Mesure temporelle sur guide d'ondes

Comment minimiser les erreurs de dispersion du signal lors des mesures réalisées dans le domaine temporel sur des guides d’onde

  • Les guides d’onde métalliques creux sont parfois employés pour transférer l’énergie sous forme d’ondes électromagnétiques, principalement parce qu’ils peuvent prendre en charge de niveaux de puissance élevés et qu’ils présentent une très faible atténuation par rapport notamment aux câbles coaxiaux. Leur rigidité peut également se révéler propice pour certaines applications.
  • Anritsu présente dans cet article comment réaliser de façon appropriée des mesures sur des guides d’ondes avec un analyseur de réseau vectoriel tout en évitant les erreurs dues à la dispersion du signal.

 

Auteur : Johan Wallblad, Anritsu Europe

 
Lors de mesures effectuées sur guides d’onde à l’aide d’un analyseur de réseau vectoriel (ou VNA, pour Vector Network Analyser), l’utilisateur doit procéder à une calibration ou à une correction d’erreur au niveau de la bride de connexion du guide d’onde. Il faut donc indiquer au VNA que des composants de guide d’onde vont être utilisés. Les guides d’onde présentent en effet des propriétés différentes de celles des câbles coaxiaux et requièrent l’application d’un traitement mathématique spécifique aux signaux mesurés. Il convient donc de configurer le VNA pour s’assurer que les coefficients d’erreur et les dérives sont calculés correctement pendant le calibrage afin que les mesures qui seront effectuées soient correctes.

L’une des propriétés essentielles des guides d’onde est la dispersion des signaux, un phénomène inexistant sur les câbles coaxiaux. Cependant, tous les guides d’onde ne partagent pas cette propriété. Il existe donc des situations où un calibrage initial doit être effectué à l’aide de composants de guide d’onde dispersif, mais où les mesures sont ensuite réalisées sur un guide d’onde dépourvu de cette propriété dispersive. Dans ce cas, il est nécessaire d’indiquer au VNA que le milieu mesuré est en réalité non dispersif. Ce qu’il est possible de faire avec les analyseurs de réseau vectoriel de la famille Shockline d’Anritsu.

Guides d’onde creux et dispersion
Dans un guide d’onde métallique creux, on peut imaginer que l’onde traverse le guide selon une trajectoire en zigzag, confinée entre les parois du guide. La relation mathématique à laquelle obéit la propagation de l’onde dans les guides d’onde peut être déduite des équations de Maxwell, qui décrivent le comportement interdépendant des champs électriques et magnétiques.

Guide d’onde rectangulaire idéal
Figure 1. Guide d’onde rectangulaire idéal

Grâce à ces équations, on peut démontrer que la vitesse à laquelle progresse une onde électromagnétique dans le guide d’onde, connue sous le nom de vitesse de groupe, est plus faible que la vitesse de la lumière. De même, on peut démontrer que toute phase donnée de l’onde, par exemple la crête, se propage à une vitesse (connue sous le nom de vitesse de phase) qui semble être supérieure à la vitesse de la lumière. Ce qui est pourtant impossible ! En réalité, aucune entité physique ne se déplace. On étudie en fait des points géométriques dans l’espace, comme par exemple les sommets d’onde, où la phase est constante. C’est ce qui distingue le guide d’onde des autres milieux, tels que l’espace libre ou le câble coaxial, au sein desquels les vitesses de phase et de groupe sont identiques.

Prenons le cas d’un guide d’onde à plaques parallèles (comme le guide d’onde rectangulaire à parois verticales de la figure 1). En supposant que les plaques sont parfaitement conductrices et que le champ électrique est polarisé de façon linéaire dans la direction y, on peut démontrer qu’on finira par obtenir une onde évoluant dans la direction z et une onde stationnaire dans la direction x (superposition des ondes planes rebondissant sur les plaques). Le système d’ondes stationnaires n’existe que dans les modes discrets spécifiques d’un nombre entier égal à la moitié des longueurs d’onde.

À partir des équations de Maxwell, il est ensuite possible de dériver une équation connue sous le nom de « relation de dispersion » :

Equations de Maxwell,relation de dispersion

Supposons que l’on commence à réduire la fréquence (w). Comme toutes les autres composantes de l’équation sont des constantes, la seule composante qui peut être ajustée en conséquence est Kz, c’est-à-dire la composante du vecteur d’onde dans la direction z. Pour le mode fondamental (m=1 moitié de longueur d’onde), si l’on réduit la fréquence jusqu’au point où sa longueur d’onde est 2a , ou plus longue, ou que l’on réduit l’écart entre les plaques conductrices pour qu’il soit égal à la moitié de la longueur d’onde, ou moins, alors aucune radiation traversera le guide d’onde (Kz=0). La fréquence à laquelle aucune onde électromagnétique ne peut passer dans le guide d’onde est appelée fréquence de coupure qui constitue une caractéristique importante des guides d’onde.

Ces concepts sont identiques pour un guide d’onde rectangulaire, et dans ce cas, la fréquence de coupure dépend des dimensions du guide d’onde, du matériau interne et du mode. Les vitesses de groupe et de phase dépendent de la fréquence de coupure et de la fréquence du signal. Lors de l’utilisation d’un analyseur de réseau vectoriel, ces caractéristiques doivent être intégrées au moment de la calibration et de la mesure de guides d’onde.

Mesures du domaine temporel avec un VNA
Les analyseurs de réseau vectoriels permettent de mesurer les paramètres S (de l’anglais « scattering parameters », coefficients de diffraction) de tout composants opérant dans le domaine de fréquences RF ou micro-ondes, et de fournir les résultats sur le domaine de fréquence. Cependant, les données du domaine de fréquence n’offrent parfois que peu d’informations sur les caractéristiques du composant sous test. C’est pourquoi tous les VNA d’Anritsu sont dotés d’une option d’analyse du domaine temporel, qui permet d’effectuer des mesures simulées de réflectomètre temporel (TDR, Time Domain Reflectrometry). Les données mesurées dans le domaine de fréquence sont transformées en domaine temporel ou en mesure de distance.

Afin de calibrer un VNA en vue d’effectuer des mesures sur un composant ou appareil intégrant un guide d’onde, le type de milieu (c’est-à-dire le guide d’onde) doit pouvoir être pris en compte pour le calibrage. Celui-ci doit comprendre les effets de dispersion inhérents, basés sur la fréquence de coupure, la constante diélectrique et les dimensions, trois paramètres dont l’utilisateur doit saisir la valeur dans le VNA. Puisque la phase est mesurée et que le propagateur (y compris la vitesse de phase) est utilisé pour calculer les longueurs et les dérives de longueurs, y compris les dérives du plan de référence, toute information de longueur peut être erronée si les effets de dispersion ne sont pas pris en compte.

La dispersion affecte également toujours les mesures dans le domaine temporel ou les mesures de distance. Une impulsion envoyée dans un guide d’onde sera étalée et décalée, ou « estompée », d’autant plus que la longueur parcourue est longue.

Cet étalement signifie que l’amplitude de la crête est plus faible, mais également que la crête devient moins distincte, de sorte que la distance identifiée jusqu’au pic de réflexion devient moins précise et moins juste. La crête sera également décalée, ce qui conduit inévitablement à un relevé de distance incorrect. La figure 2 présente un exemple simple utilisant une traversée (through) de guide d’onde à bande X de 223,6 mm (69.6+154 mm) et un court-circuit décalé (offset short) de 9,75 mm. La calibration, comme les mesures, ont été réalisées entre 8,2 et 12,4 GHz.

Mesure temporelle sur guide d'ondes
Figure 2 a. Mesure du domaine temporel (distance) de la traversée d’un guide d’onde WR90 avec une longueur totale de 233,35 mm. (avec court-circuit décalé) sans intégration de la dispersion. La trace en mémoire montre les résultats avec intégration de la dispersion.

La trace active (orange) de la figure 2a montre les résultats sans intégration de la dispersion tandis que la trace en mémoire montre les résultats avec intégration de la dispersion. L’étalement du signal réfléchi est évident, et l’on peut également observer que la puissance mesurée est de -0,8 dB, alors qu’on attendrait une valeur proche de 0 dB pour un court-circuit (en supposant des guides d’onde sans pertes). On sait que la longueur physique totale de la traversée du guide est de 233,35 mm, alors que la longueur mesurée est de 302,31 mm. La figure 2b montre la même mesure avec l’intégration de la dispersion, où l’on mesure une longueur de 231,53 mm et une puissance de 0,16 dB.

Mesure du domaine temporel (distance) sur guide d'onde.
Figure 2b. Mesure du domaine temporel (distance) de la traversée d’un guide d’onde WR90 (avec court-circuit) avec intégration de la dispersion.

Il existe plusieurs façons de fabriquer les guides d’onde afin de minimiser les effets de la dispersion qui peuvent ainsi se comporter comme des milieux non dispersifs, comme l’espace libre sans limites, ou un câble coaxial. Cela est parfois souhaitable, par exemple pour les applications de mesure de niveaux de liquides à l’aide d’une technologie radar, pour lesquelles un milieu non dispersif simplifie la mise en œuvre du capteur radar.

La figure 2c montre une mesure du domaine temporel (distance) d’un câble coaxial à extrémité ouverte de 60 cm, après calibration du guide d’onde. L’on peut s’attendre à ce que la distance mesurée soit légèrement plus longue que 60 cm, en prenant en compte également le fait que l’adaptateur entre le câble coaxial et le guide d’onde n’est pas compensé. Mais la réflexion à partir du câble à extrémité ouverte s’avère être d’une distance inférieure à 60 cm. On observe également un estompement similaire sur la figure 2a. Puisqu’on suppose que le milieu mesuré est basé sur le guide d’onde, l’intégration de la dispersion est effectuée, entraînant un estompement du signal, poussé en retrait, et un relevé de distance incorrect.

Mesure du domaine temporel (distance) d’un câble coaxial
Figure 2c. Mesure du domaine temporel (distance) d’un câble coaxial à extrémité ouverte de 60 cm avec intégration de la dispersion.
Mesure du domaine temporel (distance) d’un câble coaxial
Figure 2d. Mesure du domaine temporel (distance) d’un câble coaxial à extrémité ouverte de 60 cm sans intégration de la dispersion en choisissant un type de ligne non dispersif.

En sélectionnant le type de ligne « Non-Dispersif », et en effectuant à nouveau le mesure de la figure 2c, on obtient le résultat de la figure 2d. La trace active (orange) montre les résultats pour le type de ligne « Non Dispersif », avec la disparition de l’estompement du signal et le relevé de distance plus proche de la valeur attendue. Cette fonctionnalité offre aux utilisateurs davantage de flexibilité pour les mesures sur les guides d’ondes creux dotés de caractéristiques non dispersives. Cette solution se fonde sur une option proposée sur les VNA Shockline d’Anritsu, qui permet à l’utilisateur de configurer le milieu de mesure (ou le type de ligne). Voir figure 3.

Figure 3. Fonction « Line Type » (type de ligne) des VNA Shockline d’Anritsu.