- Avec l’inauguration de la gigafactory de Verkor à Bourbourg le 11 décembre 2025, les Hauts-de-France confirment leur position de principal pôle français — et l’un des premiers en Europe — pour la production de batteries destinées aux véhicules électriques.
- En moins de cinq ans, plusieurs projets industriels majeurs se sont concentrés dans un rayon d’une centaine de kilomètres autour de Dunkerque et Douai, portés par la proximité des constructeurs automobiles, des infrastructures logistiques et des réseaux énergétiques.
- Cette concentration ne signifie toutefois pas une maturité homogène. Si les capacités installées et annoncées sont importantes, le niveau réel d’industrialisation varie fortement selon les acteurs et les technologies mises en œuvre.
Légende photo : la plateforme AmpR Small qui équipe la Renault 5 électrique.
« L’inauguration de la gigafactory de Verkor, la troisième de cette région, démontre que la réindustrialisation, l’innovation et la décarbonation peuvent progresser de concert. Nous créons des emplois, renforçons notre autonomie technologique et énergétique et préparons l’avenir de la mobilité en France et en Europe», a déclaré Emmanuel Macron, Président de la République française.
Verkor et AESC : des sites qui franchissent le cap industriel
Le site de Verkor à Bourbourg marque en effet un passage structurant vers la production à grande échelle. Avec une capacité initiale de 16 GWh par an, appelée à atteindre 50 GWh à l’horizon 2030, l’usine s’inscrit dans une logique de montée en puissance progressive, appuyée sur une phase pilote menée à Grenoble. Le transfert des procédés validés au Verkor Innovation Centre vers le site industriel illustre une stratégie classique de réduction des risques technologiques avant l’industrialisation.
À Douai, la gigafactory d’AESC, issue du partenariat entre Renault et le groupe japonais, est également entrée dans une phase opérationnelle. La première ligne de production alimente déjà les chaînes d’assemblage de véhicules électriques situées à proximité, notamment pour la Renault 5. Avec une capacité initiale de 9 GWh, correspondant à environ 200 000 batteries, le site constitue aujourd’hui l’un des rares exemples en France d’usine produisant effectivement des cellules à un rythme industriel, même si la montée en cadence reste progressive.

ACC : les difficultés du passage à la grande série
À l’inverse, la gigafactory d’Automotive Cells Company (ACC) à Billy-Berclau illustre les difficultés techniques que pose la fabrication de cellules lithium-ion à grande échelle en Europe. Malgré une capacité nominale de 13 GWh pour son premier bloc, le site peine à atteindre les volumes attendus.
Les contraintes identifiées concernent des étapes clés du procédé, notamment le coating et le calendering des électrodes, dont la stabilité conditionne à la fois la performance des cellules et le rendement industriel. Les taux de rejet élevés et les cadences inférieures aux objectifs ont un impact direct sur les coûts de production, estimés supérieurs à ceux des sites asiatiques matures. Cette situation souligne l’écart qui subsiste entre la mise en service d’une usine et l’atteinte d’une production économiquement compétitive.
Le pari industriel de ProLogium
D’autres projets restent à un stade intermédiaire. Le projet de ProLogium, annoncé à 48 GWh, se distingue par un calendrier plus long et un niveau de risque technologique plus élevé. Le fabricant taïwanais ProLogium, qui mise sur la technologie des batteries à l’état solide, a annoncé en mai 2023 la construction d’une gigafactory à Dunkerque avec comme planning le début de la construction en 2025, le lancement de la production de batteries lithium-céramique en 2027, et une montée en puissance à pleine capacité en fonction des conditions de marché. Ce qui positionne le site comme un pari stratégique sur une technologie encore peu industrialisée à grande échelle, mais potentiellement différenciante à moyen terme.
Une filière de la batterie « made in France » en construction
L’inauguration de la gigafactory de Verkor illustre une dynamique de réindustrialisation dans les Hauts-de-France. Toutefois, elle met également en lumière une réalité plus contrastée : disposer d’usines, de financements et de capacités théoriques ne suffit pas à garantir une production stable, compétitive et pérenne.
La filière batteries régionale se trouve aujourd’hui à un point d’équilibre délicat, entre sites déjà en production, usines en montée en cadence et projets encore en phase de construction ou de validation technologique. La capacité des industriels à stabiliser leurs procédés, à réduire les coûts et à sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement constituera, dans les prochaines années, le véritable indicateur du succès de cette stratégie industrielle européenne.





